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    La bureaucratie, un boulet pour l’économie mauritanienne
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    Les « Faut la lettre », « C’est pas ici », « Dossier perdu » et autres « Revenez demain » entendus aux guichets symbolisent un mal profond. Les va-et-vient interminables entre bureaux, les dossiers égarés et la sacro-sainte procédure paralysent l’initiative économique. Derrière chaque projet en rade ou investisseur découragé, on retrouve la même bureaucratie pesante.

    Les répercussions économiques sont lourdes. Des projets majeurs accusent des retards de plusieurs années, voire des décennies : certains chantiers attendent depuis plus de 15 ans, tel le port en eau profonde de Nouadhibou, privant le pays de milliers d’emplois et de revenus. Les financements existent, partenaires et bailleurs sont au rendez-vous, mais ce ne sont pas les fonds qui manquent : c’est la volonté administrative qui fait défaut. Au final, des dizaines de projets restent en souffrance, laissant des milliards d’ouguiyas d’investissements gelés, faute d’exécution.

    Cette situation mine l’attractivité du pays. Des investisseurs, alléchés par les opportunités du marché mauritanien, déchantent face à la paperasserie et aux délais imprévisibles ; beaucoup finissent par investir ailleurs. Sur le plan interne, l’élan entrepreneurial se brise sur le même mur : chaque permis prend un temps fou et décourage l’initiative privée. Au lieu d’innover ou de produire, on perd des heures dans les couloirs administratifs, la productivité nationale en pâtit. Et l’État lui-même dilapide des ressources : études relancées, budgets non consommés, chantiers à l’arrêt qui accumulent les surcoûts, un cercle vicieux d’inefficacité.

    Depuis 2022, le président Mohamed Ould Cheikh El Ghazouani dénonce ces dérives. « L’administration souffre de graves dysfonctionnements et le citoyen a perdu confiance en elle », affirmait-il lors d’un discours adressé aux hauts cadres. Il appelait chaque responsable à « remédier aux manquements ou laisser sa place ». Il pointait l’absence de cellules d’écoute des citoyens, l’accumulation injustifiée des dossiers, et le manque d’implication des walis dans la gestion de proximité.

    Mais deux ans plus tard, les habitudes perdurent. Le diagnostic est posé, les alertes répétées. Ce qu’il manque ? Des mesures fermes. La Mauritanie ne manque ni de ressources ni de financements, mais ces atouts ne produiront de résultats que si l’administration devient un levier, et non un verrou.

    Car la bureaucratie est l’un des grands ennemis de la réussite. Elle étouffe les idées, décourage les initiatives, neutralise les réformes. Rien ne progresse dans un système qui paralyse au lieu d’accompagner.

    Simplifier les procédures, responsabiliser les agents publics, exiger des résultats : ces impératifs ne peuvent plus rester des slogans. Car à l’heure où le pays aspire à décoller, il est inadmissible que sa bureaucratie lui coupe les ailes.

    Le temps presse : le temps perdu ne se rattrape jamais.

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