Avec l’essor des firmes multinationales, l’accueil des projets d’investissements internationalement mobiles est devenu un enjeu de plus en plus crucial pour le développement territorial et la stimulation de l’économie locale. Dans ce sens, les gouvernements du monde entier ont progressivement mis en place, au cours des 30 dernières années, des politiques d’attractivité dont la mise en œuvre a été confiée à des agences spécialisées appelés communément les Agences de Promotion des Investissements (API).
Malgré quelques initiatives isolées au cours des années 1960 (Irlande, Malte, Alsace..). C’est surtout à partir de la fin des années 1970 que ces institutions ont vu le jour, d’abord dans quelques pays d’Europe de l’Ouest, puis une extension progressive à l’ensemble de la planète.
Tableau : Date de création de quelques API de la région.
Pays | API | Date de création |
Mauritanie | DGPIP | (2007-2009) |
Maroc | AMDI | 2009 |
Sénégal | APIX | 2000 |
Tunisie | FIPA | 1995 |
Aperçu historique :
Historiquement, le cadre institutionnel des investissements en Mauritanie n’a jamais été une priorité réelle des autorités. Cela est prouvé par la fonction qu’occupe une telle institution pour le développement stratégique ainsi qu’au niveau de l’appui financier alloué à ces structures. L’expérience des années 2007, 2008 et 2009 font l’exception qui confirme la règle.
En effet, et suite à l’instauration d’un régime civil après la période transitoire et avec l’appuis de la Banque Mondiale, la Mauritanie s’est vue doté d’une agence chargée de la promotion des investissements privés en 2007 (Délégation Générale à la Promotion des Investissements Privé). Cette structure était sous la tutelle directe de la Présidence de la République.
Paradoxalement, avec les changements tangibles qu’a connus notre pays en matière de stabilité politique, renforcement du dispositif réglementation (Nouveau code des investissements 2012), mise en place d’importantes infrastructures (routes, ports et aéroports) ainsi que la création de la Zone franche de Nouadhibou, un processus de disparition d’une structure aussi importante pour la promotion de l’investissement privées a été mené volontairement par le pouvoir politique.
En effet, après le coup d’état de 2008, le statut de la DGPIP s’est transformé en un Commissariat chargé de la promotion des investissements sous la tutelle du premier ministre, puis une Direction Générale au niveau du Ministère chargé des Affaires Economiques. Bref, le dispositif institutionnel a retourné à la case de départ.
On est en droit de se poser la question sur la relation entre une API et l’amélioration du Climat pour l’investissement dans un pays.
D’une part, afin de promouvoir les pays en tant que destinations d’investissement attrayantes, les Agences de Promotion des Investissements (API) jouent un rôle d’instrument indépendant et privilégié pour la conception, la mise en œuvre, le suivi et l’évaluation des stratégies de nature à stimuler l’investissement privé et à drainer pour le pays les capitaux étrangers.
Elles se doivent de mener une grande variété d’activités de marketing et de services, traditionnellement classées en quatre fonctions principales, à la suite d’une première classification de Wells et Wint (2000)[1]: – création d’image, – génération d’investissement,- facilitation et rétention des investissements, et – activité de plaidoyer politique.
Ces activités vont du marketing électronique au ciblage des investisseurs, en passant par le soutien administratif, à des processus dédiés permettant un dialogue entre les investisseurs et le gouvernement, afin de résoudre les problèmes encourus et d’influer sur les politiques économiques.
D’autre part, la Banque Mondiale a défini le climat d’investissement comme l’ensemble des facteurs propres à la localisation de l’entreprise, qui influent sur les opportunités de marché ou le désir des entreprises d’investir à des fins productives, de créer des emplois et de développer leurs activités.
Selon Michalet[2], le climat d’investissement est « l’environnement des activités courantes des entreprises installées sur place ». Il classe le climat d’investissement en plusieurs composantes à savoir :
- Liberté des transferts des capitaux et régimes des changes,
- Fiscalité sur les bénéfices industriels et commerciaux et sur les revenus des personnes physiques,
- Droits de douanes et fonctionnement des douanes et des ports et aéroports,
- Législation sociales (flexibilité du marché du travail, droits syndicaux, inspection du travail…etc),
- Attitude plus ou moins ‘amical’ du gouvernement et de l’administration au niveau central mais aussi au niveau des services régionaux et subalternes,
- Délais des procédures administratives (création, agrément, régime spécial…etc),
- Sécurité et conditions de vie pour les expatriés,
- Transparence du système légal, réglementaire et judiciaire.
Alors, quel est le lien entre les deux ?
Les résultats de l’étude empirique réalisée par Morisset (2003) indiquent que la détérioration de la qualité du climat d’investissement a un effet négatif sur l’efficacité d’une API. Autrement dit, la création d’une agence de promotion d’investissement n’occasionnera pas une augmentation des flux d’IDE entrants si la qualité du climat est mauvaise. D’après son étude économétrique appliquée au panel de 29 pays africains durant la période 1990-1997, Morisset (2000) affirme que le potentiel d’attractivité est meilleur dans les pays disposant d’un climat d’investissement attractif que dans les pays basés sur la disponibilité des ressources naturelles et/ou se caractérisant par une taille de marché considérable.
Ainsi, pour rendre un climat d’investissement d’un pays comme la Mauritanie plus attractif, des conditions préalables comme une croissance économique soutenue et un degré d’ouverture commercial devront exister. C’est ainsi que, quelques pays sub-sahariens, souligne Morisset, représentent des modèles des pays africains qui ont réussis à attirer potentiellement les investisseurs étrangers grâce à la qualité de leur climat d’investissement et le degré d’ouverture et non pas parce qu’ils disposent des ressources naturelles et/ou grâce à leur taille de marché.
Les études réalisées par la Banque Mondiale et la Cnuced indiquent que plusieurs aspects du climat d’investissement (comme l’accès au crédit, la lourdeur de la fiscalité, les barrières administratives, le secteur informel, la concurrence déloyale, la corruption, le manque de fiabilité des infrastructures…etc.) pénalisent l’attractivité du pays. De ce fait, la présence de ces anomalies freinera le développement de l’activité d’une API et vice versa.
Pour les nouvelles autorités : revenir à la vérité est une vertu.
S’inspirant des bonnes pratiques en la matière pour drainer des capitaux étrangers et créer des richesses et des opportunités d’emplois pour les citoyens, le gouvernement mauritanien a approuvé le mercredi 31-12-2020 la création d’une agence pour la promotion des investissements, un établissement public à caractère administratif.
Le communiqué du conseil des ministres a précisé que cette agence doit pallier aux insuffisances constatées, à relever les défis à ce niveau, à travers une nouvelle approche.
Quel est le rôle d’une telle structure dans la conjoncture de l’après Covid-19 ?
Le gouvernement mauritanien, à l’image de tous les pays dans le monde, a pris des mesures de confinement pour éviter la propagation du virus et créé un accompagnement spécifique pour atténuer l’impact économique de la crise.
Bien qu’il soit difficile d’estimer l’ampleur des répercussions sur l’économie, il faut s’attendre à de graves perturbations de l’activité économique doublées d’une nette contraction des flux d’investissements directs étrangers (IDE).
En se basant sur les mesures de confinement adoptées par nos partenaires économiques, les bouleversements qui ont affecté les chaînes d’approvisionnement mondiales et les caractéristiques structurelles de chaque économie, le Fonds monétaire international (FMI) prévoit que la Mauritanie, comme la plupart des pays, entrera en récession en 2020, mais plus ou moins atténuée par la flambé des prix du mènerai de fer et l’or.
Toutefois, la COVID-19 n’est pas le seul facteur de changement pour l’attraction de l’(IDE).
La nouvelle situation de l’industrie au niveau mondial, la montée du nationalisme économique et les tendances en matière de durabilité auront toutes de vastes incidences sur la configuration de la production.
L’évolution globale de la production internationale va dans le sens d’un raccourcissement des chaînes de valeur, d’une concentration accrue de la valeur ajoutée et d’une diminution des investissements internationaux dans les actifs productifs physiques. Elle posera des problèmes immenses aux pays en développement.
Dans cette nouvelle configuration de l’ordre économique mondiale et vus les perspectives du Post-Covid Economy, le défi à lever par la nouvelle agence de promotion des investissements sera très important en matière d’adaptabilité et de stratégie.
BahamGaouad Ahmed Benane, PhD
Économiste
[1]Wells, Louis T., Jr.; Wint, Alvin G..2000. «Marketing a country: promotion as a tool for attracting foreign investment», (revised edition) (English). Foreign investment advisory service occasional paper ; no. FIAS 13 Washington, D.C. : World Bank Group.
[2]Charles-Albert Michalet :« La séduction des nations ou comment attirer les investissements », édition : Economica, Paris 1999 p74.