Nous, ministres africains des finances, de la planification et du développement économique, notons avec une profonde inquiétude l’impact de la pandémie de coronavirus sur la santé de nos citoyens, sur nos économies, ainsi que sur nos chances de réaliser le Programme de développement durable à l’horizon 2030 et l’Agenda 2063.
Nous déplorons la lenteur de l’accès aux vaccins et au financement de l’équité en matière de vaccination.Sans un accès rapide aux vaccins, le raz-de-marée de nouvelles infections par le coronavirus submergera nos fragiles systèmes de santé, décimera nos ressources humaines limitées et retardera notre redressement. Le 18 mars 2021, le continent a franchi le triste cap des 4,1 millions d’infections par le coronavirus, avec un taux de létalité supérieur à la moyenne mondiale.
L’impact de la pandémie sur nos économies a été dévastateur. Pour la première fois depuis un quart de siècle, nos économies sont en récession. La croissance du PIB réel s’est contractée de 2,4 % en 2020. Trente millions de personnes ont perdu leur emploi et ont sombré dans la pauvreté. Nos recettes ont chuté alors que nos dépenses ont explosé pour répondre aux besoins pressants de la crise et aux exigences des changements climatiques. Les pays africains consacrent désormais une part importante de leur budget à la mise en œuvre de politiques visant à répondre aux conséquences des phénomènes météorologiques extrêmes, notamment les sécheresses, les inondations, les mauvaises récoltes et la destruction des infrastructures. Dans certains cas, jusqu’à 10 % du PIB ont déjà été consacrés à l’adaptation aux changements climatiques.
Nos réserves budgétaires sont désormais véritablement épuisées.
Ces évolutions ont sapé les perspectives économiques de plusieurs pays africains, entraînant la dégradation de la notation de crédit d’au moins douze pays africains. Six pays africains, dont Sao Tomé-et-Principe, le seul pays africain en passe d’être retiré de la liste des PMA, sont aujourd’hui en situation de surendettement.
Pour les pays africains qui ont réussi à retrouver l’accès aux marchés des capitaux, les écarts de rendement sur leurs obligations souveraines sont excessifs, allant de 890 à 1 710 points de base pour l’Afrique du Sud et l’Ouganda, respectivement. Ces taux spéciaux augmenteront le fardeau de la dette et menaceront la viabilité future de la dette de nos économies naissantes.
En dépit de leurs situations budgétaires difficiles, les pays africains ont fait preuve de résilience dans leur réponse initiale à la pandémie. Nous avons réussi à limiter les taux d’infection en appliquant efficacement des mesures de distanciation sociale et de confinement. Nous avons mobilisé environ 44 milliards de dollars de ressources nationales et, dans un marché hautement concurrentiel, nous avons coordonné nos efforts pour obtenir des équipements de protection individuelle (EPI) par le biais d’achats groupés facilités par la Plateforme africaine de fournitures médicales.
Sous la direction du Président de la Commission de l’Union africaine et en collaboration avec Afreximbank, nos gouvernements ont pu acquérir270 millions de doses de vaccins contre le COVID-19à des prix compétitifs par l’intermédiaire de l’African Vaccines Acquisition Task Team (équipe spéciale pour l’acquisition de vaccins en Afrique) -AVATT. Ces doses viennent s’ajouter à celles promises par leMécanisme COVAX pour un accès mondial aux vaccins. Cependant, les montantscombinésprovenant d’AVATT et de COVAX ne permettent de toucher que 42 % de la population africaine. Il faudraentre 3 et 4 milliards de dollars supplémentairespour porter le taux de vaccination en Afrique à 60 % de la population et atteindre l’immunité collective.
Nous rendons hommage à l’Organisation des NationsUnies pour l’appui qu’elle apporte aux États membres par son financement d’initiatives de développement, initiatives ayant donné lieu à un large éventail de possibilités d’action destinées à étayer les stratégies de développement de ces États.
Nous sommes encouragés par le fait que nos efforts ont été complétés par l’assistance financière et le soutien des banques publiques de développement, de l’Initiative de suspension du service de la dette et du Cadre commun du traitement de la dette au-delàde l’Initiative de suspension du service de la dettedu Groupe des Vingt. L’Initiative de suspension du service de la dette a permis aux pays africains qui remplissent les conditions de reporter un montant estimé à 5,1 milliards de dollars de paiements dus au titre du service de la dette, mettant ainsi à leur disposition les liquidités dont ils ont grand besoin pour sauver des vies et reconstruire des moyens de subsistance. La Banque africaine de développement et la Banque mondiale se sont engagées à soutenir l’Afrique à hauteur de 13 milliards et 50 milliards de dollars, respectivement. Le FMI s’est également engagé à allouer 25,6 milliards de dollars en faveur de l’Afrique au titre de la Facilité de crédit rapide, de l’Instrument de financement rapide et de la Facilité élargie de crédit. Un montant supplémentaire de 408 millions de dollars a été approuvé par le Fonds fiduciaire d’assistance et de riposte aux catastrophes, portant ainsi le total des engagements à environ 26,1 milliards de dollars. Nous félicitons également l’Union européenne d’avoir engagé 100 millions d’euros d’aide humanitaire pour soutenir le déploiement de campagnes de vaccination en Afrique, pilotées par les Centres africains de lutte contre des maladies.
Toutefois, sans la fin de la pandémie en vue, prolonger la durée de l’Initiative de suspension du service de la dette au moins jusqu’à la fin de l’année 2021, voire 2022 (date à laquelle il est à espérer que tout le monde aura été vacciné) et élargir sa portée s’imposent pour répondre aux besoins de liquidités des pays à revenu intermédiaire, l’objectif étant de prévenir la menace plus grave de l’insolvabilité, en particulier pour des pays qui ont accès au marché et dont les fondamentaux sont relativement solides.
Nous avons également conscience de l’importance croissante, dans le paysage financier africain, des créanciers privés qui représentent désormais 40 % de la dette totale du continent, contre 27,6 % pour la dette bilatérale. L’examen de la dette africaine et des besoins de financement futurs du continent restera incomplet si l’on ne tient pas compte de ses dettes à l’égard de créanciers privés. Mais ce qui est encore plus important, c’est que le secteur privé doit être un partenaire clé de la relance de l’Afrique. Dans ce contexte, il sera essentiel de combiner ressources publiques et ressources privées.
Une réponse rapide, audacieuse et positive sur les droits de tirage spéciaux (DTS) de l’ordre de 500 à 650 milliards est maintenant nécessaire pour enrayer l’impact dévastateur de cette crise induite par l’extérieur sur le continent. Nous remercions les ministres des finances du G7 d’avoir demandé au FMI de prendre d’autres mesures à cet égard le 19 mars 2021 et exhortons tous les partenaires à appuyer la position du G7 sur les DTS.
Nous notons que, sur la base de la quote-part actuelle de l’Afrique au FMI, une nouvelle émission de 650 milliards de DTS fournirait au maximum 33,3 milliards de DTS de ressources supplémentaires à l’Afrique, ce qui serait à peine suffisant pour répondre aux besoins de financement du continent.Pour compléter ces ressources, nous demandons en outre au Groupe des Sept de soutenir un mécanisme de rétrocession de prêt qui permette de transférer, sur une base définie d’un commun accord, les droits de tirage spéciaux non utilisés vers les pays à revenu faible ou intermédiaire. Le Fonds fiduciaire pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (Fonds fiduciaire RPC) du Fonds monétaire international pourrait être recommandé à cette fin. Le financement du Fonds fiduciaire RPC par des droits de tirage spéciaux peut faciliter la mise en place d’un financement supplémentaire pour l’acquisition de vaccins par les pays à faible revenu. Les DTS peuvent également être utilisés pour acquérir des vaccins et faciliter le retour sur les marchés des pays qui remplissent les conditions requises.
Nous avons conscience que les nouvelles émissions de droits de tirage spéciaux sont peu fréquentes et qu’elles sont souvent source de controverses. Aussi, nous pensons qu’il est impératif de saisir l’occasion pour tirer parti de ces ressources et faire des investissements catalytiques dans la relance de l’Afrique. Les DTS doivent favoriser la transformation de l’Afrique et aider le continent à accéder aux milliers de milliards de dollars nécessaires à une relance verte. Un tel objectif est à notre portée. Les instruments de marché, comme la facilité de liquidité et de durabilité proposée, combinée à des instruments tels que la Garantie à l’appui de réformes de la Banque mondiale, peuvent jouer un rôle important à cet égard, en catalysant les investissements, en créant des emplois et en aidant les pays africains à mieux construire l’avenir.
Nous sommes convaincus qu’investir dans l’agriculture durable et technologiquement assistée, les énergies renouvelables et les transports, la numérisation, la biodiversité et le développement du capital humain est essentiel pour se redresser et reconstruire en mieux. Nous reconnaissons les études récentes (par exemple de la Commission économique pour l’Afrique et de l’Union africaine) qui montrent les avantages conjoints d’une relance verte et résiliente génératriced’emplois.Les investissements dans ces secteurs permettront de créer des emplois et de tirer parti de la Zone de libre-échange continentale africaine pour mettre en place et renforcer des chaînes de valeur régionales durables.
Pour sa part, l’Afrique s’engage à mettre en œuvre les réformes nécessaires pour promouvoir la transparence et la responsabilité tant dans la mobilisation et l’utilisation des ressources intérieures et extérieures que dans la gestion de la dette. En ce qui concerne la mobilisation des recettes, les pays africains ont démontré les avantages qui s’attachent à utiliser la technologie pour accroître les recettes. De nombreux pays du continent ont introduit la fiscalité électronique afin d’accroître la mobilisation des ressources.
Les pays se servent également de plateformes numériques pour faire participer les communautés locales au contrôle des dépenses publiques et à la transparence, notamment par la collecte d’informations sur la prestation des services publics et le suivi des engagements de dépenses. Nous renforçons également nos systèmes d’administration fiscale pour détecter, suivre et endiguer les flux financiers illicites (FFI).
Pour poursuivre la lutte contre les FFI, un appui mondial est toutefois indispensable, notamment dans le domaine de l’analyse des mégadonnées, de l’apprentissage automatique et de la programmation des réseaux neuronaux, qui offrent un éventail d’outils et de méthodes permettant de mieux anticiper les comportements illicites et de mesurer plus précisément les FFI. Davantage de pays africains améliorent leur climat des affaires. Les réformes exhaustives entreprises par les pays africains doivent être accompagnées par la fourniture de ressources accrues à tous les pays.
Nous sommes convaincus qu’avec la fourniture rapide d’un financement adéquat et des réformes macro-économiques, budgétaires et structurelles exhaustives et appropriées, nous pouvons nous remettre de la pandémie beaucoup plus rapidement et beaucoup plus solidement. Nous demandons donc instamment à tous les partenaires de répondre à l’appel du G7 en faveur d’une nouvelle émission de droits de tirage spéciaux, complétée par un mécanisme de réaffectation qui tienne compte de l’impact disproportionné de la crise sur les pays à revenu faible ou intermédiaire, de procéder à la mise en œuvre du Cadre commun du G20, de prolonger la durée de l’Initiative de suspension du service de la dette jusqu’à la fin de l’année 2021, de soutenir la rétrocession de prêt de DTS en faveur duFonds fiduciaire RPC,dela Facilité de liquidité et de durabilité et de l’acquisition de vaccins, et de favoriser la production de vaccins en Afrique et d’accélérer l’accès aux vaccins en Afrique par le biais du Mécanisme COVAX et de l’équipe spéciale pour de l’acquisition de vaccins en Afrique.
Il s’agit d’une crise collective, qui appelle une réponse collective et coordonnée.