Le Sénégal traverse une phase qui, sur le papier, ressemble à une victoire nationale majeure : les premières gouttes de pétrole brut extraites du champ de Sangomar sont enfin raffinées localement. Cela ouvre, en théorie, la porte à un espoir : voir les prix à la pompe baisser, ou du moins sentir que le pays « consomme ce qu’il produit ».
Mais la question que se posent désormais les citoyens comme les journalistes est simple : si nous raffinons notre propre pétrole, pourquoi les prix du carburant ne baissent-ils pas ? Voire, pourquoi la pompe continue-t-elle d’afficher des tarifs comme si le produit venait encore de Singapour ?
La réponse n’est ni poétique, ni magique — elle est technique. Et parfois douloureuse.
Premièrement, soyons réalistes : le pétrole sénégalais n’est pas gratuit. Le champ est exploité par des entreprises étrangères, les volumes sont partagés selon des contrats complexes, et les ventes se font généralement en dollars. Le fait que le pétrole soit « local » ne signifie donc pas que son prix est sous contrôle national.
Deuxièmement, le raffinage n’est pas une opération bon marché. Il faut de l’entretien, de l’énergie, des ingénieurs, des produits chimiques, des pièces de rechange — souvent importées. Et avec la volatilité du franc CFA face au dollar, les coûts de production restent élevés.
Troisièmement, n’oublions pas la fiscalité : les taxes sur les carburants représentent une source majeure de revenus pour l’État. Faire baisser les prix n’est donc pas seulement une décision technique, mais aussi politique.
La bonne nouvelle ? Oui, il y a de l’espoir. Raffiner localement est une première étape vers une souveraineté énergétique réelle. Mais pour que les citoyens en ressentent les bénéfices, il faudra réformer les mécanismes de tarification, garantir la transparence des coûts, et s’assurer que les profits ne restent pas dans les conseils d’administration — mais descendent jusqu’à la pompe.
En attendant, il semble que l’essence sénégalaise ne deviendra vraiment « locale » que le jour où les décisions économiques le seront aussi.
Cheikh sid elkhair OUMAROU
Économiste