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    La politique budgétaire en Mauritanie : entre réforme et durabilité
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    La politique budgétaire constitue l’un des piliers fondamentaux sur lesquels les États s’appuient pour assurer la stabilité économique et promouvoir une croissance durable. Elle représente le cadre par lequel l’État organise ses ressources financières, à travers des mécanismes de mobilisation des recettes et d’allocation des dépenses, dans le but de réaliser des équilibres économiques et sociaux. En Mauritanie, l’intérêt pour la politique budgétaire s’est accru, celle-ci devenant un instrument stratégique pour relever les défis structurels entravant le développement et pour garantir une meilleure gouvernance des ressources publiques, dans un contexte de pressions économiques et sociales croissantes.

    Dans cette perspective, la Mauritanie s’est engagée ces dernières années dans une série de réformes destinées à moderniser la gestion financière, renforcer la transparence et améliorer l’efficacité de la dépense publique. Ces réformes ont notamment porté sur la modernisation du système fiscal, avec l’introduction de la déclaration et du paiement électroniques des impôts, en particulier pour les grandes entreprises, ce qui a facilité les procédures et renforcé la conformité fiscale. L’État a également adopté un tarif douanier unifié, conforme à ses engagements régionaux et internationaux, contribuant ainsi à améliorer le climat des affaires et à mobiliser davantage de ressources financières.

    Dans le même esprit, des politiques budgétaires plus rigoureuses ont été mises en œuvre, visant à rationaliser les dépenses publiques et à les orienter vers les investissements productifs, plutôt que de dépendre excessivement des dépenses de fonctionnement. La loi de finances pour l’année 2024 s’inscrit pleinement dans cette dynamique, traduisant une volonté politique affirmée de passer d’une logique de consommation à une logique d’investissement développemental.

    Ces efforts se sont progressivement traduits par des améliorations notables au niveau des indicateurs macroéconomiques. Le produit intérieur brut (PIB) a enregistré une croissance de 5,1 % en 2024, soutenue par de bonnes performances à l’exportation et une relative stabilité de la demande intérieure, malgré le ralentissement du secteur minier. Par ailleurs, le taux d’inflation est descendu à 1,5 %, grâce à la baisse des prix des denrées alimentaires et du carburant, ainsi qu’à une politique monétaire prudente adoptée par la Banque centrale pour maîtriser la liquidité et stabiliser les prix.

    Sur le plan des finances publiques, l’amélioration de la mobilisation des recettes et la rationalisation des dépenses ont permis de réduire le déficit budgétaire à 0,1 % du PIB, contre 2,4 % en 2023. Le taux d’endettement public a également diminué, atteignant 44,5 % du PIB, ce qui reflète une amélioration notable des indicateurs de soutenabilité financière et offre à l’État une marge de manœuvre plus large pour l’avenir (Banque mondiale, 2024).

    Malgré ces avancées, la politique budgétaire reste confrontée à de nombreux défis, notamment la vulnérabilité structurelle de l’économie, la faiblesse de la base fiscale et la dépendance à un nombre limité de secteurs à caractère rentier. La faiblesse des dotations budgétaires allouées aux secteurs sociaux essentiels, tels que l’éducation et la santé, constitue également un obstacle majeur à l’émergence d’une croissance inclusive. À cela s’ajoute la nécessité de renforcer la culture de l’évaluation et de la redevabilité dans la gestion des ressources publiques, afin d’assurer une efficacité optimale.

    En contrepartie, des perspectives encourageantes se dessinent à court et moyen terme, notamment avec l’émergence de grands projets énergétiques, au premier rang desquels figure le projet gazier conjoint avec le Sénégal (Grand Tortue Ahmeyim – GTA). Ce projet devrait contribuer à diversifier les sources de revenus et à renforcer les réserves de change du pays, à condition que ses recettes soient gérées dans un cadre institutionnel et budgétaire rigoureux et transparent.

    En conclusion, la politique budgétaire en Mauritanie s’affirme comme un levier essentiel pour assurer les équilibres économiques et soutenir la dynamique de croissance. L’expérience a démontré que les réformes structurelles, lorsqu’elles s’accompagnent d’une volonté politique forte et d’une durabilité institutionnelle, peuvent améliorer sensiblement les performances financières et économiques. Toutefois, le défi majeur demeure l’élargissement de la base fiscale, l’amélioration de la qualité de la dépense publique et le renforcement des investissements dans le capital humain. Cela ne pourra être réalisé que par la poursuite des réformes, l’ancrage d’une culture de planification rigoureuse et une meilleure allocation des ressources vers les priorités nationales. Ainsi, la politique budgétaire pourra passer du statut de simple outil technique à celui de véritable moteur de construction d’une économie nationale compétitive, équitable et durable.

    Youssef Sidi Aly Ouweinne

    Chercheur, spécialiste en comptabilité, fiscalité et finances.

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